Juin 12
15
Simplifions la vie des ruches
Lettre collective au ministre de l'environnement
Mot(s)-clé(s) Groupe Maya
Le groupe Maya du PCDN, avec le soutien des autorités communales, a envoyé une lettre au ministre de l’environnement de la RW pour dénoncer les « obstacles bureaucratiques et règlementaires déraisonnables et souvent insurmontables », concernant des règlementations au sujet de l’établissement de ruches et ruchers. Deux points sont mis en évidence :
- la confusion permanente entre le bâtiment rucher, pouvant exiger un permis pour installation fixe, et un ensemble de ruches mobiles, également appelé rucher.
- de l’interdiction incompréhensible d’installer des ruches en zone verte, forestière ou d’activité écononique, ainsi que dans un lotissement.
Monsieur le Ministre de l’Environnement,
de l’Aménagement du Territoire et de la Mobilité
rue des Brigades d’Irlande 4
5100 JAMBES
Monsieur le Ministre,
Concerne : placement de ruches soumis à des obstacles bureaucratiques et réglementaires déraisonnables, difficilement surmontables ou souvent insurmontables pour les apiculteurs
Le déclin des insectes pollinisateurs a conduit la Région wallonne, et plus particulièrement votre collègue le Ministre de l’Agriculture, à lancer le plan Maya. En effet, la population des insectes pollinisateurs a subi une chute drastique durant cette dernière décennie, ce qui représente un danger réel pour la biodiversité et à terme, pour l’humanité.
En ce qui concerne l’abeille mellifère (apis mellifera), selon certaines sources, il n’en reste plus ou presque plus vivant à l’état sauvage en Belgique. Elles ne peuvent plus survivre sans le support des apiculteurs. Le plan Maya est dès lors particulièrement le bienvenu. Une des actions entreprises dans le cadre de ce plan est le soutien à la formation et l’encadrement des apiculteurs. Ces cycles de formations connaissent un grand succès. De plus, la Région a décidé d’aider les apiculteurs nouvellement formés en leur offrant une partie du matériel nécessaire à leur installation. Par ailleurs, pas moins de 160 communes wallonnes ont répondu « présentes » à l’appel pour s’inscrire dans le plan Maya.
Nous sommes heureux d’apprendre que vous soutenez les initiatives de votre collègue, le Ministre de l’Agriculture, de la Ruralité, de la Nature de la Forêt et du Patrimoine, et que vous encouragez les communes au travers du soutien financier pour l'engagement et les activités d'éco-conseillers, à réaliser des aménagements en faveur des abeilles et à prendre des mesures destinées à enrayer leur diminution, comme la suppression de l'utilisation de pesticides nocifs pour l'abeille.
Malheureusement, ceci n’est pas suffisant. Il est apparu que les apiculteurs, y compris les jeunes apiculteurs pleins d’enthousiasme, qui viennent de suivre des cours organisés avec le soutien de la Région wallonne sont, à leur grand déception, confrontés à des obstacles bureaucratiques et règlementaires déraisonnables et souvent insurmontables ou difficilement surmontables, concernant des règlementations qui relèvent de votre compétence.
Bien que notre bon vieux Code Rural du 7 octobre 1886, établi à une époque où les produits de la ruche était économiquement très importants et l’apiculture encore beaucoup plus répandue – ce qui a mené, on peut le supposer, à un code bien réfléchi - prévoit déjà que des ruches à miel doivent être établies à une distance d’au moins 20 mètres d'une habitation ou de la voie publique, ou à une distance d’au moins 10 mètres, lorsqu'il existe, entre les ruches et l'habitation ou la voie publique, un obstacle plein de 2 mètres de hauteur au moins.
Le législateur contemporain y a ajouté des couches réglementaires supplémentaires. C’est cette réglementation plus récente et son interprétation qui mènent à des situations – probablement non voulues par le législateur contemporain - difficilement défendables devant nos citoyens, apiculteurs ou non, et dont la logique, il faut le reconnaître, nous échappe totalement de temps en temps.
Voici quelques exemples de situations surréalistes auxquelles cette réglementation récente nous mène :
• un permis d’urbanisme est souvent nécessaire pour des ruches, bien que beaucoup d’apiculteurs voyagent souvent avec leurs ruches et il ne s’agit pas, par nature, d’installations fixes (des installations destinées à rester en place, article 84 CWATUPE) ;
• si la demande de permis pour des ruches concerne un terrain situé dans un lotissement (même en pleine campagne, avec une superficie du terrain considérable et un emplacement en parfait respect du prescrit du code rural) et que les prescriptions du permis de lotir ne prévoient pas la possibilité d’implanter des ruches, l’apiculteur ne pourra implanter les siennes même si le permis de lotir prévoit la possibilité d’installer un abri pour un ou des animaux, sauf à déroger aux prescriptions. Dans ce cas, la demande est soumise à enquête publique et à l’avis préalable du fonctionnaire délégué du Service Public de Wallonie, ce qui constitue une formalité assez lourde et sans garantie de succès ;
• au regard du plan de secteur, les ruches/ruchers ne peuvent être admis qu’en zone d’habitat et d’habitat à caractère rural, donc les ruches/ruchers ne peuvent être implantés en zone agricole (!), en zone verte, en zone forestière , en zone d’activité économique, … sans déroger à la zone au plan de secteur.
Une première solution, pour une partie de ces problèmes, est qu’une instruction administrative soit donnée aux fonctionnaires communaux et régionaux, précisant dans le cadre de l’article 263, pour entendre le terme « rucher » au sens de « bâtiment destiné à abriter des ruches » et non au sens de « ensemble de ruches ». Les ruches alors, quel que soit leur nombre, ne seraient plus en rien du ressort de l’urbanisme ; non seulement elles ne nécessiteraient plus de permis mais elles pourraient être posées dans toutes les zones du plan de secteur. Une telle instruction résoudrait déjà une bonne part de nos problèmes mais pas tous. Reste en effet le problème que pose l’implantation d’un rucher, compris comme bâtiment cette fois, dans les zones du plan de secteur autres que les zones d’habitat ou d’habitat à caractère rural. Sa résolution pourrait passer par une révision des articles concernés du CWATUPE.
Déjà en 2010, un contact a été pris avec votre cabinet pour résoudre ces problèmes. A ce jour, nous ne sommes pas au courant de solutions qui auraient été apportées à ceux-ci. Pourriez-vous nous indiquer si des solutions ont été avancées entre-temps ? Dans le cas où ces questions n’auraient pas encore été résolues, nous vous serions très reconnaissants d’y apporter une solution adéquate dans les plus brefs délais.
Nous joignons, en annexe à la présente, une analyse juridique plus approfondie établie il y a quelques temps par Mme J. Kievits, dans laquelle des propositions de solutions sont également présentées plus en détails.
Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de nos sentiments les plus distingués.
Pour le Groupe MAYA de Grez-Doiceau (P.C.D.N.)
Michel Fraiteur,
Apiculteur
Claudia Bouxain,
Eco-conseillère
Courrier du Groupe Maya de Grez-Doiceau au Ministre de l’Environnement, de l’Aménagement du Territoire et de la Mobilité concernant le placement de ruches soumis à des obstacles bureaucratiques et réglementaires déraisonnables, difficilement surmontables ou souvent insurmontables pour les apiculteurs
Permis d’urbanisme pour les ruches et ruchers : où en est-on ?
Plusieurs problèmes se sont posés récemment à des apiculteurs de Wallonie en matière de permis d’urbanisme. Obtenir un tel permis n’a rien d’évident, alors même que les installations dont il s’agit sont souvent minimes : il s’agit parfois simplement de trois ruches dans le fond d’un jardin ! Et la motivation des fonctionnaires, si elle est logique d’un point de vue strictement juridique comme nous allons le voir, apparaît bien souvent absurde aux apiculteurs concernés. Mais tout cela s’explique, même si ce n’est pas simple !
L’urbanisme en Région wallonne est régi par le CWATUPE – code wallon de l’aménagement du territoire, de l’urbanisme et du patrimoine.
Or, ce Code ne dit pas directement si les ruches ou les ruchers sont soumis à permis d’urbanisme. En vertu du CWATUP, un tel permis est obligatoire pour implanter des « installations fixes » c’est à dire toute installation ancrée au sol ou dont l’appui assure la stabilité, et destinée à rester en place alors même qu’ [elle] peut être déplacée (article 84 du CWATUP). Il faut donc clairement un tel permis pour implanter un bâtiment destiné à abriter des ruches. Et qu’en est-il des ruches elles-mêmes, lorsqu’elles ne sont pas abritées par un bâtiment ? Pas de problème direz-vous, les ruches sont mobiles, leur nombre est variable en cours d’année, nous les déplaçons et en modifions le nombre au fil de l’année selon les nécessités de la gestion apicole : un rucher en plein vent n’est donc pas une installation fixe et il ne faut donc ni permis, ni déclaration urbanistiques pour l’implanter !
Ce n’est pas si simple.
Un seul article du CWATUP cite les ruchers : l’article 263. Cet article énumère les actes et travaux de minime importance qui sont soumis, non aux formalités complètes de permis d’urbanisme, mais à une simple déclaration urbanistique (on parle plus couramment de « petits permis ») ; la déclaration est une formalité bien plus simple que le permis d’urbanisme. L’article 263 précise que les ruchers sont soumis à une telle déclaration dans les zones de cours et jardins.
Ici - suivez bien le raisonnement, il est complexe ! - plusieurs éléments sont à prendre en compte.
1. Si la législation ne précise pas le sens d’un terme, le fonctionnaire se référera à celui donné par le dictionnaire et celui-ci donne de rucher la définition suivante : « ensemble des ruches d’une exploitation » . Pour l’administration, tout ensemble de ruches, même en l’absence de bâtiment, est donc un rucher au sens de l’article 263.
2. Or, cet article est en fait dérogatoire : il sert à dispenser de « vrai » permis d’urbanisme les travaux de minime importance, dont les ruchers dans les cours et jardins.
L’interprétation des fonctionnaires est donc que, a contrario, puisque les ruchers, c’est à dire les ensembles de ruches, sont dispensés de permis dans les zones de cours et jardins, ils sont forcément soumis à permis sur tout le reste du territoire wallon. Et comme le Petit Robert ne précise pas que les bâtiments abritant les ruches s’appellent aussi « ruchers », les bâtiments sont, eux, toujours soumis à permis, même en zones de cours et jardins, ainsi qu’il ressort de la réponse donnée par le Ministre Henry à une récente question parlementaire .
Relevons au passage que peu de ruchers seront de fait concernés par la déclaration. La définition des cours et jardins est peu précise mais concerne les espaces directement liés à l’habitation, pelouse, abri de jardin, courette etc … bref les endroits où les ruches sont rarement implantées puisqu’en pratique elles sont placées à l’écart de l’habitat, conformément au Code rural. Bref, la plupart du temps, les ruches et ruchers sont soumis de facto à permis d’urbanisme.
L’inconvénient de cette interprétation est double.
D’une part, elle impose aux apiculteurs une formalité absurde : l’impact strictement urbanistique des ruches et nul et les aspects environnementaux (notamment les troubles possibles de voisinage) sont du ressort du permis d’environnement et non du permis d’urbanisme.
D’autre part et surtout, les ruchers se voient très souvent refuser le permis. Si la demande de l’apiculteur concerne un terrain situé dans un lotissement, et que le permis de lotir ne prévoit pas la possibilité d’implanter des ruches, l’apiculteur ne pourra implanter les siennes même dans le parfait respect du prescrit du Code rural, sauf à déroger au permis de lotir. Dans ce cas la demande est soumise à l’avis du fonctionnaire régional et à l’enquête publique, ce qui constitue une formalité très lourde.
Enfin et surtout, par le fait de cette interprétation, les ruchers sont refusés en zone agricole ; mais ceci demande une nouvelle explication.
Le plan de secteur découpe tout le territoire wallon en différentes zones ; pour chacune de celles-ci, les fonctions qui peuvent y être autorisées sont définies de façon très précise (articles 26 à 39 du CWATUP). Dans la zone agricole (article 35 du Code), peuvent être implantées, bien entendu les exploitations agricoles y compris les habitations lorsque l’habitant est exploitant à titre principal, des installations à caractère touristique ou de production d’énergie, et – c’est ceci qui nous intéresse – les petits abris pour animaux. Donc les ruchers, me direz-vous. Nullement : l’article 263 – nous y revenons – concerne les ruchers, nous l’avons vu, mais aussi, parallèlement, les petits abris pour animaux. Donc, légalement parlant, une ruche n’est pas un petit abri pour animaux puisque le CWATUP considère les deux séparément... Donc les ruchers ne peuvent être implantés en zone agricole ! Quant aux autres zones du plan de secteur – zone verte, zone forestière, zone d’activité économique… -, les ruchers ne peuvent y être admis puisque les prescriptions qui concernent ces zones ne les prévoient jamais. Actuellement donc, au regard du plan de secteur, les ruchers ne peuvent être admis qu’en zone d’habitat et d’habitat rural, car celles-ci peuvent par définition accueillir tout type de fonction pourvu qu’elles ne nuisent pas à la destination principale de la zone, c’est à dire à l’habitat (art. 26 et 27 du CWATUP).
Comment en sortir ?
Les ruches, nous l’avons vu, ne sont pas en réalité des installations fixes au sens de l’article 84 du CWATUP. Ce n’est d’ailleurs pas concevable : un permis est donné pour une installation bien déterminée : il nous faudrait demander permis, par exemple pour trois ruches (une verte, une brune, une jaune) et ne jamais plus les déplacer ensuite… il n’est évidemment pas possible de gérer un rucher de la sorte.
Nous avons rencontré à ce propos le Cabinet de Monsieur Philippe Henry, qui a l’aménagement du territoire dans ses compétences, et est conscient du problème. Précisons que le Ministre est l’héritier de cette situation et n’en est nullement l’auteur ! La question émerge actuellement car plusieurs cas de refus se sont posés récemment, mais elle est pendante en fait depuis plusieurs années.
Une première solution est qu’une instruction administrative soit donnée aux fonctionnaires communaux et régionaux, précisant que le terme « rucher », dans le cadre de l’article 263, est à entendre au sens de « bâtiment destiné à abriter des ruches » et non au sens de « ensemble de ruches ». Les ruches alors, quel que soit leur nombre, ne seraient plus en rien du ressort de l’urbanisme ; non seulement elles ne nécessiteraient plus de permis, mais elles pourraient être posées dans toutes les zones du plan de secteur. Une telle instruction est élaborée par le Cabinet et l’administration, et doit être ensuite co-signée par le Ministre compétent et le Ministre-président du Gouvernement wallon (Rudy Demotte). Cette solution est réalisable à court terme ; elle résoudrait déjà une bonne part de nos problèmes, mais pas tous.
Reste en effet le problème que pose l’implantation d’un rucher, compris comme bâtiment cette fois, dans les zones du plan de secteur autres que les zones d’habitat ou d’habitat rural. Sa résolution pourrait passer par une révision de l’article 263 du CWATUP : on pourrait, dans le futur, assimiler les ruches aux « abris pour animaux ». Ceci demande la modification d’un arrêté. Idéalement, les ruchers devraient être admis dans d’autres zones, notamment forestière, d’espaces verts, d’activité économique, d’extraction (il y a des ruchers en bordure de carrières en Wallonie)… Mais ceci demande vraisemblablement la modification du décret, c’est à dire un vote parlementaire !
Le CWATUP va faire prochainement l’objet d’une évaluation, qui se poursuivra pendant toute une année, à partir de septembre 2010. Il s’agit de le rendre plus lisible et plus cohérent – le lecteur qui a eu le courage de nous lire jusqu’au bout aura compris combien c’est nécessaire ! Les modifications nécessaires pourraient prendre place dans ce cadre. Pour cela il faudra patienter au minimum deux ans, sauf à ce que l’article 263 soit revu d’ici là.
Nous suivons ce dossier avec attention ; la suite de ce petit feuilleton vous sera donnée dès que la situation aura évolué.
Janine Kievits
10 mai 2010
Chargée de mission CARI asbl.
(c.c. Monsieur le Ministre de l’Agriculture, de la Ruralité,
de la Nature de la Forêt et du Patrimoine
Chaussée de Louvain, 2
5000 NAMUR)
L’urbanisme en Région wallonne est régi par le CWATUPE – code wallon de l’aménagement du territoire, de l’urbanisme et du patrimoine.
Or, ce Code ne dit pas directement si les ruches ou les ruchers sont soumis à permis d’urbanisme. En vertu du CWATUP, un tel permis est obligatoire pour implanter des « installations fixes » c’est à dire toute installation ancrée au sol ou dont l’appui assure la stabilité, et destinée à rester en place alors même qu’ [elle] peut être déplacée (article 84 du CWATUP). Il faut donc clairement un tel permis pour implanter un bâtiment destiné à abriter des ruches. Et qu’en est-il des ruches elles-mêmes, lorsqu’elles ne sont pas abritées par un bâtiment ? Pas de problème direz-vous, les ruches sont mobiles, leur nombre est variable en cours d’année, nous les déplaçons et en modifions le nombre au fil de l’année selon les nécessités de la gestion apicole : un rucher en plein vent n’est donc pas une installation fixe et il ne faut donc ni permis, ni déclaration urbanistiques pour l’implanter !
Ce n’est pas si simple.
Un seul article du CWATUP cite les ruchers : l’article 263. Cet article énumère les actes et travaux de minime importance qui sont soumis, non aux formalités complètes de permis d’urbanisme, mais à une simple déclaration urbanistique (on parle plus couramment de « petits permis ») ; la déclaration est une formalité bien plus simple que le permis d’urbanisme. L’article 263 précise que les ruchers sont soumis à une telle déclaration dans les zones de cours et jardins.
Ici - suivez bien le raisonnement, il est complexe ! - plusieurs éléments sont à prendre en compte.
1. Si la législation ne précise pas le sens d’un terme, le fonctionnaire se référera à celui donné par le dictionnaire et celui-ci donne de rucher la définition suivante : « ensemble des ruches d’une exploitation » . Pour l’administration, tout ensemble de ruches, même en l’absence de bâtiment, est donc un rucher au sens de l’article 263.
2. Or, cet article est en fait dérogatoire : il sert à dispenser de « vrai » permis d’urbanisme les travaux de minime importance, dont les ruchers dans les cours et jardins.
L’interprétation des fonctionnaires est donc que, a contrario, puisque les ruchers, c’est à dire les ensembles de ruches, sont dispensés de permis dans les zones de cours et jardins, ils sont forcément soumis à permis sur tout le reste du territoire wallon. Et comme le Petit Robert ne précise pas que les bâtiments abritant les ruches s’appellent aussi « ruchers », les bâtiments sont, eux, toujours soumis à permis, même en zones de cours et jardins, ainsi qu’il ressort de la réponse donnée par le Ministre Henry à une récente question parlementaire .
Relevons au passage que peu de ruchers seront de fait concernés par la déclaration. La définition des cours et jardins est peu précise mais concerne les espaces directement liés à l’habitation, pelouse, abri de jardin, courette etc … bref les endroits où les ruches sont rarement implantées puisqu’en pratique elles sont placées à l’écart de l’habitat, conformément au Code rural. Bref, la plupart du temps, les ruches et ruchers sont soumis de facto à permis d’urbanisme.
L’inconvénient de cette interprétation est double.
D’une part, elle impose aux apiculteurs une formalité absurde : l’impact strictement urbanistique des ruches et nul et les aspects environnementaux (notamment les troubles possibles de voisinage) sont du ressort du permis d’environnement et non du permis d’urbanisme.
D’autre part et surtout, les ruchers se voient très souvent refuser le permis. Si la demande de l’apiculteur concerne un terrain situé dans un lotissement, et que le permis de lotir ne prévoit pas la possibilité d’implanter des ruches, l’apiculteur ne pourra implanter les siennes même dans le parfait respect du prescrit du Code rural, sauf à déroger au permis de lotir. Dans ce cas la demande est soumise à l’avis du fonctionnaire régional et à l’enquête publique, ce qui constitue une formalité très lourde.
Enfin et surtout, par le fait de cette interprétation, les ruchers sont refusés en zone agricole ; mais ceci demande une nouvelle explication.
Le plan de secteur découpe tout le territoire wallon en différentes zones ; pour chacune de celles-ci, les fonctions qui peuvent y être autorisées sont définies de façon très précise (articles 26 à 39 du CWATUP). Dans la zone agricole (article 35 du Code), peuvent être implantées, bien entendu les exploitations agricoles y compris les habitations lorsque l’habitant est exploitant à titre principal, des installations à caractère touristique ou de production d’énergie, et – c’est ceci qui nous intéresse – les petits abris pour animaux. Donc les ruchers, me direz-vous. Nullement : l’article 263 – nous y revenons – concerne les ruchers, nous l’avons vu, mais aussi, parallèlement, les petits abris pour animaux. Donc, légalement parlant, une ruche n’est pas un petit abri pour animaux puisque le CWATUP considère les deux séparément... Donc les ruchers ne peuvent être implantés en zone agricole ! Quant aux autres zones du plan de secteur – zone verte, zone forestière, zone d’activité économique… -, les ruchers ne peuvent y être admis puisque les prescriptions qui concernent ces zones ne les prévoient jamais. Actuellement donc, au regard du plan de secteur, les ruchers ne peuvent être admis qu’en zone d’habitat et d’habitat rural, car celles-ci peuvent par définition accueillir tout type de fonction pourvu qu’elles ne nuisent pas à la destination principale de la zone, c’est à dire à l’habitat (art. 26 et 27 du CWATUP).
Comment en sortir ?
Les ruches, nous l’avons vu, ne sont pas en réalité des installations fixes au sens de l’article 84 du CWATUP. Ce n’est d’ailleurs pas concevable : un permis est donné pour une installation bien déterminée : il nous faudrait demander permis, par exemple pour trois ruches (une verte, une brune, une jaune) et ne jamais plus les déplacer ensuite… il n’est évidemment pas possible de gérer un rucher de la sorte.
Nous avons rencontré à ce propos le Cabinet de Monsieur Philippe Henry, qui a l’aménagement du territoire dans ses compétences, et est conscient du problème. Précisons que le Ministre est l’héritier de cette situation et n’en est nullement l’auteur ! La question émerge actuellement car plusieurs cas de refus se sont posés récemment, mais elle est pendante en fait depuis plusieurs années.
Une première solution est qu’une instruction administrative soit donnée aux fonctionnaires communaux et régionaux, précisant que le terme « rucher », dans le cadre de l’article 263, est à entendre au sens de « bâtiment destiné à abriter des ruches » et non au sens de « ensemble de ruches ». Les ruches alors, quel que soit leur nombre, ne seraient plus en rien du ressort de l’urbanisme ; non seulement elles ne nécessiteraient plus de permis, mais elles pourraient être posées dans toutes les zones du plan de secteur. Une telle instruction est élaborée par le Cabinet et l’administration, et doit être ensuite co-signée par le Ministre compétent et le Ministre-président du Gouvernement wallon (Rudy Demotte). Cette solution est réalisable à court terme ; elle résoudrait déjà une bonne part de nos problèmes, mais pas tous.
Reste en effet le problème que pose l’implantation d’un rucher, compris comme bâtiment cette fois, dans les zones du plan de secteur autres que les zones d’habitat ou d’habitat rural. Sa résolution pourrait passer par une révision de l’article 263 du CWATUP : on pourrait, dans le futur, assimiler les ruches aux « abris pour animaux ». Ceci demande la modification d’un arrêté. Idéalement, les ruchers devraient être admis dans d’autres zones, notamment forestière, d’espaces verts, d’activité économique, d’extraction (il y a des ruchers en bordure de carrières en Wallonie)… Mais ceci demande vraisemblablement la modification du décret, c’est à dire un vote parlementaire !
Le CWATUP va faire prochainement l’objet d’une évaluation, qui se poursuivra pendant toute une année, à partir de septembre 2010. Il s’agit de le rendre plus lisible et plus cohérent – le lecteur qui a eu le courage de nous lire jusqu’au bout aura compris combien c’est nécessaire ! Les modifications nécessaires pourraient prendre place dans ce cadre. Pour cela il faudra patienter au minimum deux ans, sauf à ce que l’article 263 soit revu d’ici là.
Nous suivons ce dossier avec attention ; la suite de ce petit feuilleton vous sera donnée dès que la situation aura évolué.
Janine Kievits
10 mai 2010
Chargée de mission CARI asbl.
(c.c. Monsieur le Ministre de l’Agriculture, de la Ruralité,
de la Nature de la Forêt et du Patrimoine
Chaussée de Louvain, 2
5000 NAMUR)